Hiver, j’avais oublié que je t’aime.

Encore quelques semaines et nous accueillerons le printemps comme un souffle qui nous sort de l’hibernation.  Il est vrai que lorsqu’arrive la saison froide et ses jours écourtés, mon corps et mon esprit me demandent de ralentir.  Je déplore d’ailleurs que le rythme auquel nous avons pris l’habitude de vivre, jour après jour, année après année, reste maintenu pendant l’hiver.   S’il y a une saison où nous devrions nous permettre la lenteur, c’est bien celle-ci.   C’est même une des raisons pourquoi, pendant longtemps, j’ai cessé d’aimer l’hiver.  Enfin, c’est ce que je croyais, jusqu’à ce que je réalise dernièrement que j’avais seulement enfoui mon amour pour cette période au fond de mes souvenirs d’enfance.  Il m’aura fallu un retour à la nature et une réflexion sur moi-même pour comprendre ce qui avait bien pu m’arriver pour que je me mette à penser détester ce que j’aimais.  C’est simple : j’ai vieilli, je me suis casée dans la vie effrénée d’une société pressée qui exige la performance et surtout, j’ai gouté aux hivers urbains.

J’ai vécu toute ma jeunesse au Lac-Saint-Jean, là où l’hiver laisse dormir les paysages.  La petite fille que j’étais chérissait les trésors que seule la saison hivernale sait offrir.  Nombre de fois je me suis couchée dans la neige molle en appréciant son calme typique. Elle se modelait à mon corps pour m’offrir un confort qui me retenait étendue de longues minutes à observer le ciel, chose qu’on ne fait pratiquement plus en ville.  Les tempêtes étaient symboles de congé, de temps qui s’arrête.  Elles offraient encore plus de neige, donc plus de possibilités de jeux extérieurs.  Sans compter que cette blancheur scintillante apportait clarté dans la noirceur des soirs hâtifs.  La nuit n’est jamais noire en hiver!  J’aimais aussi cette sensation d’être à la fois revigorée et détendue après avoir joué dehors.  Le retour à la chaleur du foyer m’enveloppait et me calmait.

Êtes-vous déjà allés dans une forêt en hiver?  Cette luminosité et ce calme que je décris plus haut m’y apparaissent décuplés.  Vous ne verrez jamais nos forêts québécoises aussi silencieuses et lumineuses qu’en cette saison.  Même le chant des oiseaux m’y semble plus doux.  Les feuilles ne s’agitent pas au vent.  Les branches dénudées des arbres ne font pas seulement que dessiner de somptueuses lignes sur un fond de ciel.  Elles laissent aussi entrer la lumière qui se reflète sur la neige blanche et illumine les lieux.  Cette même neige laisse toutes traces de vie apparentes : pistes d’animaux , fragments d’écorce, cocottes, aiguilles de conifères… Tout pour nous indiquer que la nature est toujours en mouvement, même lorsqu’elle est au repos.

En quittant ma région natale pour aller vivre dans la Capitale Nationale, j’ai aussi quitté une partie de moi.  J’allais le comprendre bien des années plus tard.  L’hiver, au fil des ans, est devenu lourd.  Je n’aimais plus de lui que les premières neiges et la beauté des arbres verglacés.  Je me suis mise à détester la gadoue, le déneigement en ville, marcher sur les trottoirs trop enneigés, les journées courtes, les manteaux encombrants, les grands froids etc.  Ce que je comprends maintenant, c’est que si tout ça me déplaisait, c’était parce que l’hiver en ville perd énormément de son charme.  Puis je ne me permettais plus de le regarder et de le vivre positivement.  J’étais trop occupée par la « vie », celle qu’on appelle Métro-Boulot-Dodo. 

C’est en photographiant la nature que j’ai repris contact avec les petits bonheurs simples hivernaux.  Je me souviens d’être allée dans un boisé pendant que brillait un merveilleux soleil de fin d’après-midi.  Il y avait des bardanes et des asclépiades séchées, qui dépassaient de l’épaisse couche de neige molle.  Je m’étendais de tout mon long pour les photographier sous tous leurs angles.  J’étais bien, calée dans la neige.   Je voyais toute la poésie d’une nature endormie, même qu’étrangement, je la trouvais particulièrement vivante.  Je ressentais le calme de l’hiver en pleine ville.  J’oubliais la gadoue, le froid et mon manteau encombrant.  Je revivais ce que j’aimais étant enfant.  En entrant chez moi, j’ai ressenti la même sensation d’être revigorée et détendue à la fois. 

Aujourd’hui, j’ai envie plus que jamais de partager combien la nature est belle, en toute saison.  Sa beauté dépasse l’apparence; c’est ce qu’elle a à raconter qui émerveille.  Elle a tout un monde à dévoiler lorsque l’on si attarde.  Chaque plante a une histoire, une manière d’être et de faire.  Tout comme chaque vie.  Si certains ne voient plus la nature autour d’eux, moi je me fais un plaisir de la remettre sous vos yeux.  Je le fais pour rendre hommage à cette nature qui a rendu mon enfance heureuse et qui, maintenant que je suis adulte, continue de m’apporter des bienfaits qui vont bien au-delà du subjectif.  J’aurais tant à vous dire sur tout le positif qu’elle a sur notre santé.  Des choses que la science nous confirme mais dont on nous parle malheureusement trop peu.  Il y a énormément d’avantages à reprendre contact avec la nature et je crois sincèrement qu’avant d’en faire une cause à sauver, il faut d’abord véritablement se sentir interpellé par elle.  Cela doit se faire par l’amour et non par la peur d’un futur hypothéqué.

Alors, pour ton froid et tes chutes de neige me plongeant dans un silence réconfortant, pour ta luminosité éblouissante autant sous le soleil que sous les étoiles, pour tes tapis moelleux qui m’ont fait respirer l’air frais en tout confort, je te dis : « Merci, Hiver! »

Un avis sur « Hiver, j’avais oublié que je t’aime. »

  1. Magnifique mots doux emballé par un tapis de neige, de lumière et de sens… nature vivante…presque qu’au repos, et nature humaine qui s’élève de tous ces maux 🌿

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